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Le Soldatesse (Des filles pour l'armée)

Un film de Valerio Zurlini
SYNOPSIS

1942, dans la Grèce occupée par les troupes italiennes.

Pressé de quitter Athènes en proie à la famine et à la désolation, le lieutenant d’infanterie Gaetano Martino (Tomas Milian) accepte la mission d’escorter des prostituées destinées à rejoindre des bordels militaires de diverses garnisons à travers le pays, jusqu’en Albanie.

Pour l’accompagner, le jeune officier désigne le sergent Castagnoli (Mario Adorf), un sympathique Toscan qui va conduire le camion où ont pris place douze recrues contraintes à la prostitution pour survivre.

Durant un voyage semé d’embuches, Martino éprouve de la solidarité et de l’affection pour les filles, qu’il tente de protéger des humiliations et des dangers mortels de la guerre.

Tandis que des liaisons et des conflits naissent au cours du périple, Martino tombe amoureux d’Eftichia (Marie Laforêt), la plus révoltée du groupe.

Avec Anna Karina, Lea Massari, Marie Laforêt, Tomas Milian, Mario Adorf

Italie/France/Allemagne, 1965, 120 Minutes, Visa : 29879

TÉLÉCHARGEMENT
Dossier de presse Affiche Bande-annonce Web Bande-annonce DCP Photos Revue de presse

SORTIE LE 20 JUILLET 2022

VERSION RESTAURÉE 4K 

PRÉSENTATION

Le soldatesse n’est que le cinquième long métrage de Valerio Zurlini, et pourtant il amorce la conclusion d’une carrière marquée par les échecs critiques et commerciaux, les projets inachevés et les années de silence. Le cinéaste italien possède en effet la particularité de n’avoir réalisé seulement huit longs métrages entre 1955 et 1976, durant une période où l’industrie cinématographique italienne se caractérisait au contraire par son extraordinaire productivité. Cela s’explique en partie par son intransigeance artistique et des rapports professionnels ombrageux, qui écourtèrent une filmographie sans compromis. Zurlini est un auteur à l’univers déliquescent qui plaça la tristesse, et même le désespoir au cœur de son œuvre, brève mais brûlante.

De tous les grands cinéastes italiens, il reste le plus discret et le plus mystérieux. Le soldatesse est un film secret, sous-estimé, passé relativement inaperçu, qui mérite d’être redécouvert. Il rappelle la proximité de Zurlini avec le néo-réalisme, dont il fut l’un des principaux continuateurs. Comme Rossellini avant lui, Zurlini montre les conséquences destructrices de la Seconde Guerre mondiale sur les populations civiles, et de manière plus générale, sur la civilisation européenne.

Dans Le soldatesse, ce sont les troupes italiennes, et non allemandes, qui se livrent à des exactions et occupent la Grèce au terme d’une résistance acharnée de son armée. La différence est de taille. Zurlini fustige les crimes de l’armée italienne dans un conflit tragique et inutile motivé par l’orgueil de Mussolini qui voulait prouver sa force militaire à son allié allemand, et rêvait d’un nouvel Empire Romain qui aurait inclus la Grèce.

Il réalise ainsi l’un des rares films clairement antifascistes du cinéma italien. Zurlini confronte ses compatriotes à leur responsabilité durant la Seconde Guerre mondiale et signe un courageux « mea culpa ». Le cinéaste attribuera l’insuccès du film à sa dénonciation de la bonne conscience, de l’oubli volontaire et de la victimisation de l’Italie de l’après-guerre. Il y démontre l’implication directe des chemises noires dans des massacres commis en Grèce.

L’autre aspect remarquable du film concerne sa dimension féministe. En s’intéressant à un groupe de prostituées grecques, Zurlini procède de manière allégorique. Les corps des femmes contraintes de s’offrir aux soldats ennemis renvoient au sort de la Grèce soumise à l’occupant italien. Plus concrètement, le cinéaste se livre à une critique féroce de la phallocratie et du virilisme indissociables de la doctrine fasciste. Un colonel fait son entrée dans un bordel militaire en déclarant avec cynisme : « Repos. Ici il n’y a ni supérieur ni subalterne. Rien que des porcs, messieurs les officiers. »

Au-delà de l’argument guerrier, l’image récurrente d’un camion rempli de filles, que l’on livre l’une après l’autre à des garnisons renvoie au constat plus large de la marchandisation de l’être humain au XXème siècle. Les corps féminins sont traités comme du bétail, donnés en pâture à des pulsions sexuelles collectives et brutales, tandis que les embuscades des partisans grecs ou les balles des soldats n’épargnent pas les prostituées.

Il n’est pas exagéré d’affirmer que Le soldatesse anticipe, avec davantage de mélancolie, de sentimentalisme et un art consommé de la litote, l’exposé glaçant de Salò ou les 120 Journées de Sodome. Zurlini et Pasolini dialoguent à distance à propos de la guerre et du fascisme. Les deux cinéastes se rejoignent dans leur approche à la fois évangélique et communiste du cinéma.

Odyssée miniature à travers les montagnes arides de la Grèce, le récit des soldatesse procède par stations, comme un chemin de croix où chaque fille endosserait un part du martyre du Christ. Pourtant, il n’y a rien de théorique ni de lourdement symbolique dans la mise en scène de Zurlini. Ses personnages ne se réduisent pas à des idées. Les interprétations subtiles, incarnées et émouvantes de ses comédiennes en témoignent. Marie Laforêt trouve sans doute dans Le soldatesse le plus beau rôle de sa carrière cinématographique, tandis qu’Anna Karina se révèle bouleversante, jamais aussi bien filmée en dehors des films de Godard.

Olivier Père 

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