Victimes du péché
Víctimas del pecado
Un film d'Emilio Fernández
SYNOPSIS
À Mexico, Violeta, une danseuse cubaine du cabaret Changoo sauve le bébé que sa collègue Rosa a abandonné sous la pression de son souteneur et amant Rodolfo. Elle décide de l’élever mais elle est pour cela congédiée et doit se prostituer afin d’élever l’enfant. Elle rencontre alors Santiago, tenancier d’une autre boîte de nuit, auprès duquel elle se réfugie. Mais Rodolfo sort de prison…
Avec Ninón Sevilla, Tito Junco, Rodolfo Acosta, Rita Montaner
Mexique, 1951, 1h25, Visa : 11667
Version restaurée 4K
TÉLÉCHARGEMENT
SORTIE LE 10 JUILLET 2024
Ce film a été mis en images par un duo mythique du cinéma mexicain : Emilio Fernández à la réalisation et Gabriel Figueroa à la direction de la photographie. L’expressivité du noir et blanc, l’usage des contrastes lumineux et la mise en scène de tragédies humaines constituent leur signature, bien perceptible dans cette œuvre qui emprunte aux codes du film noir hollywoodien en même temps qu’elle les acclimate à l’atmosphère particulière du mélodrame de cabaret. Ninón Sevilla y incarne un personnage féminin au caractère bien trempé, dont l’activité professionnelle alterne entre danse et prostitution sans que la frontière entre les deux activités soit toujours bien claire, ce qui constitue une marque de fabrique du genre.
Dans ce film, les origines cubaines de la comédienne sont particulièrement soulignées bien que l’intrigue se déroule au Mexique, et perceptibles en particulier par l’intermédiaire des liens qu’elle entretient avec la chanteuse Rita Montaner, célébrité cubaine de l’époque qui joue son propre rôle et apparaît comme le mentor de l’héroïne. La présence de ces personnages hauts en couleurs confère à la première partie du film une tonalité comique relativement rare dans ce genre de film, avec des séquences où la gouaille cubaine de Rita, avec son accent marqué, et de Violeta, sème régulièrement le chaos dans le cabaret et remet en question l’autorité des hommes qui prétendent y faire la loi (Rodolfo, le souteneur, et Don Gonzalo, le propriétaire). La présence du musicien mexicain Pedro Vargas, que l’on retrouvera dans Aventurera, ou encore de Dámaso Pérez Prado – l’inventeur du mambo – et son orchestre, constituent un élément important de l’attrait patrimonial particulier de ces films, qui acquièrent une dimension quasi documentaire du fait qu’ils ont enregistré les interprètes et orchestres les plus en vogue dans les années 1950. Les passages chorégraphiés, dont Ninón Sevilla est l’autrice, sont un passage obligé de ces films où la féminité s’offre en spectacle, dans le cabaret et dans la salle de cinéma, aux publics masculins et féminins.
Víctimas del pecado, à travers les contradictions incarnées par le personnage de Violeta, permet en outre de voir à l’œuvre la concurrence et la complémentarité entre deux archétypes du cinéma mexicain ici réunis dans le jeu de Ninón Sevilla : la mère et la prostituée, où la première prend finalement le dessus. L’obsession de l’enfant pour la fête des mères, mise en scène dans les dernières séquences, permet de réactiver dans le film une thématique chère au cinéma mexicain depuis les années 1930 et dans laquelle le corps de Ninón Sevilla se fond en oblitérant la dimension séductrice qu’elle a exhibée tout au long du film.
Julie Amiot-Guillouet